Il y a quelques semaines, on apprenait que Bilberry, startup alumni de l’accélérateur Hectar avait été rachetée par le géant américain Trimble. Des débuts de la R&D en France jusqu’au développement en Australie puis au rachat par Trimble, Guillaume Jourdain, co-fondateur et CEO de Bilberry, nous raconte cette aventure entrepreneuriale et internationale.
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Peux-tu nous présenter Bilberry ?
Chez Bilberry, on permet aux agriculteurs de pulvériser des herbicides uniquement là où il y en a besoin, c’est-à-dire sur les mauvaises herbes et non plus dans l’intégralité des champs. On met des caméras tous les 3 mètres sur les rampes des pulvérisateurs agricoles, elles scannent le champ en temps réel et grâce à des algorithmes en intelligence artificielle qu’on a développés, elles arrivent à savoir si c’est une mauvaise herbe ou non. Pour les agriculteurs, ça représente des économies très importantes : pour donner un exemple, le premier agriculteur qui a utilisé la technologie Bilberry à grande échelle sur 12 000 hectares a fait en moyenne 90% d’économie d’herbicide, ça représente plus d’un million de litres d’eau, plus de 40 000 litres de produit et plus de 200 000 dollars, donc c’est impact significatif sur les exploitations.
Sur la vidéo ci-dessous, on voit d’abord le « sélective spraying », avec les buses qui dispensent du produit uniquement sur les mauvaises herbes. Puis on peut observer ce que voient les caméras : 8 images par secondes, le rectangle blanc c’est la zone de détection, et en rouge ce sont les mauvaises herbes détectées par les algorithmes, quand il y a détection l’algorithme envoie l’information à la buse pour l’ouvrir ou la fermer.
Comment avez-vous construit la croissance de votre startup, de la R&D en France au développement commercial à l’étranger ?
Ça s'est fait en deux temps. En 2017, on travaillait déjà avec des fabricants de pulvérisateurs agricoles et notamment un fabricant néerlandais qui s’appelle Agrifac, qui pensait qu’il y avait des opportunités pour les caméras en Australie, donc ils ont émis le souhait de nous acheter un système de caméras pour l’envoyer là-bas. C’est le tout premier système qu’on a vendu, on était encore un peu dans la phase R&D donc on a fait beaucoup d’allers-retours pendant 2 ans entre la France et l’Australie pour tester et améliorer le dispositif. En parallèle de ce développement, on s’est posé beaucoup de questions sur le potentiel de cette technologie qui était assez énorme et sur comment adopter la bonne approche sur le marché. On s’est dit que la technologie allait devenir standard dans le monde entier car elle génère trop de bénéfices pour les agriculteurs et la planète. Par contre ça ne va pas se développer partout à la même vitesse, donc on a essayé de comprendre où ça allait d’abord se développer et pourquoi. On a fait toute une analyse, et les grands critères qui en sont ressortis c’est la taille des fermes -plus tu as une grande exploitation plus tu vas avoir un retour sur investissement rapide- le climat qui doit être plutôt sec et aride, car cela limite la prolifération des mauvaises herbes et donc augmente les possibilités d’économies d’herbicides. À partir de nos analyses, on s’est dit que le développement se ferai d’abord en Australie, donc pour accélérer j’ai déménagé là-bas en 2019 avec une partie de l’équipe, et maintenant on a 6 personnes sur place qui développent le business. L’Australie sur cette ligne de produits, c'est 95% de notre chiffre d'affaires.
Pour la suite du développement, on commence à s’implanter au Canada depuis cette année, et on vise aussi les USA.
Qu’est-ce qui vous a fait rejoindre l’accélérateur Hectar et son écosystème ?
La raison principale c’est qu’on était un peu dans un moment de transition, l’activité était assez développée en Australie et on était bien implantés dans l’écosystème australien que ce soit au niveau startup ou agricole, donc on a décidé de mettre le focus autre part, et on s’est dit qu’Hectar était une bonne porte d’entrée dans l’écosystème à la fois startup et AgTech en France. On était intéressés aussi en termes de visibilité et de communication, mais aussi pour accélérer et faire bénéficier plusieurs personnes de l’équipe de l’expertise d’Hectar.
On a appris récemment, à la sortie du programme d’accélération, que vous avez revendu votre entreprise à Trimble, une grosse entreprise américaine. Tu peux nous raconter comment cela s’est passé ?
Comme beaucoup de choses dans l’histoire de Bilberry, ça s'est fait par opportunité. On était pas du tout en train de vendre et on était très contents de la façon dont on se développait. On avait atteint nos objectifs, en 2022 on va faire à peu près 3M d’euros de chiffre d'affaires et le produit atteint des performances très satisfaisantes. On était en train de travailler sur notre prochain tour de table pour faire une belle série A entre 10 et 15 millions. Dans ce cadre là, Trimble est venu nous voir, ça ne les intéressait pas d’investir mais ils souhaitaient acquérir une startup qui fait ce qu’ils appellent du « selective spraying » car ils pensent que c’est l’avenir et voulaient être présents sur cette technologie.
Le but maintenant c’est de rentrer dans l’organisation Trimble Agriculture. Sans le vouloir, on a construit une boite qui était en fait très complémentaire de Trimble, donc on garde la même logique, les mêmes marchés cibles.
Quel futur pour Bilberry maintenant ?
Ce qui est intéressant avec Trimble, c’est qu’on garde la même vision, ce désir d’être pionnier dans cette révolution verte il l’ont tout comme nous, donc on est très alignés.
Néanmoins, Bilberry va changer : historiquement, Trimble a beaucoup grandi par acquisition et il y a 4 ans ils ont changé de CEO et de stratégie pour faire ce qu’ils appellent du « connect and scale », avec le but de lier entre elles les entreprises qu’ils rachètent, pour plus de cohérence et de structure.
Ce qui change aussi c’est qu’on va avoir davantage de moyens, plus de réseaux de distribution partout dans le monde donc l’accès aux marchés va être facilitée. L’objectif aujourd’hui c’est d’aller plus vite et plus fort grâce aux synergies qu’on a avec Trimble.
Quels conseils donner à un entrepreneur français qui veut se lancer dans l’AgTech ?
La chose que je retiens et qui a été très importante pour nous et que je continue d’appliquer encore aujourd’hui, c’est de toujours réfléchir en partant du client, de l’utilisateur final et des impacts positifs ou non que cela peut créer. Partir en Australie auprès des agriculteurs, ça a été une décision qui nous a permis de réussir : dans les champs, on comprend ce qui va ou pas avec le produits, quelle utilisation en font les exploitants, ça nous a permis d’avoir des retours très directs. Cette proximité est vitale, si tu ne connais pas tes clients t’es mort.
Un deuxième point qui me paraît important, qu’on ne faisait pas au début car on avait besoin de cash et qu’on allait un peu dans tous les sens mais qu’on a fait de mieux en mieux au fur et à mesure quand on a été plus en sécurité financièrement, c’est qu’on est devenus hyper focus : on voulait faire qu’un produit, les caméras, et devenir excellent là-dedans. Certains ont décidé de faire des caméras et des buses, plusieurs zones géographiques, plusieurs cultures… Nous on a décidé de faire uniquement des caméras, uniquement en Australie et seulement sur les céréales. On a refusé des projets qui n’étaient pas dans ce scope, car quand tu n’as pas beaucoup de ressources, arriver à avoir un seul objectif et être vraiment le meilleur sur ce petit périmètre ça permet d’apprendre beaucoup, de générer plus de ressources et grossir plus rapidement. Faire un seul truc mais le faire mieux que tout le monde, c’est vraiment un point important que j’ai toujours en tête.
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What is Bilberry?
At Bilberry, we allow farmers to spray herbicides only where they are needed, i.e. on the weeds and not in the whole field. We put cameras every 3 meters on the booms of the agricultural sprayers, they scan the field in real time and thanks to artificial intelligence algorithms that we have developed, they can know if it is a weed or not. For farmers, this represents very significant savings : to give an example, the first farmer who used the Bilberry technology on a large scale (12,000 hectares) saved an average of 90% on herbicide, which represents more than a million liters of water, more than 40,000 liters of product and more than 200,000 dollars, so it's a significant impact on the farms.
In the video below, we first see the "selective spraying", with the nozzles dispensing product only on the weeds. Then we can observe what the cameras see : 8 images per second, the white rectangle is the detection zone, and in red are the weeds detected by the algorithms, when there is detection the algorithm sends the information to the nozzle to open or close it and spare some product.
How did you build the growth of your startup, from R&D in France to commercial development abroad?
It happened in two phases. In 2017, we were already working with agricultural sprayer manufacturers and in particular a Dutch manufacturer called Agrifac, who thought there were opportunities for cameras in Australia, so they expressed a desire to buy a camera system from us and send it there. This was the very first system we sold, we were still in the R&D phase so we went back and forth for 2 years between France and Australia to test and improve the system. In parallel with this development, we asked ourselves many questions about the potential of this technology, which was quite huge, and about the way to dress the market. We knew the technology would become standard worldwide because it generates too many benefits for farmers and the planet. But it's not going to develop everywhere at the same speed, so we tried to understand where it would develop first and why. We did a whole analysis, and the main criteria that came out were the size of the farms - the larger the farm, the faster the return on investment - and the climate, which has to be dry and arid, because this limits the proliferation of weeds and therefore increases the possibility of saving herbicides. From our analysis, we said that the development would be done first in Australia, so to accelerate I moved there in 2019 with part of the team, and now we have 6 people there who develop the business. Australia on this product line is 95% of our turnover.
For the next stage of development, we are starting to establish ourselves in Canada since this year, and we are also aiming for the USA.
What made you join the Hectar accelerator and its ecosystem ?
The main reason was that we were in a bit of a transitional period, our business was quite developed in Australia and we were well established in the Australian ecosystem, both in the fields of startups and agriculture, so we decided to focus elsewhere, and we thought that Hectar was a good gateway into the ecosystem of both startups and AgTech in France. We were also interested in terms of visibility and communication, but also to accelerate and make several people in the team benefit from Hectar's expertise.
We recently learned that you sold your company to Trimble, a large American company, at the end of the acceleration program. Can you tell us how that happened?
Like many things in the Bilberry story it happened by opportunity. We weren't selling at all and we were very happy with the way we were growing. We had reached our goals, by 2022 we'll be making about 3M euros in sales and the product was performing very well. We were in the process of working on our next round of financing in order to make a series A between 10 and 15 million. In this context, Trimble came to see us, they were not interested in investing but they wanted to acquire a startup that does what they call "selective spraying" because they think it is the future and wanted to be present on this technology.
The goal now is to become part of the Trimble Agriculture organization. Without wanting to, we built a company that was in fact very complementary to Trimble, so we keep the same logic, the same target markets.
What is the future for Bilberry now?
What's interesting about Trimble is that we still have the same vision, they have just like us the desire to be a pioneer in this green revolution, so we're very aligned.
Nevertheless, Bilberry is going to change: historically, Trimble has grown a lot by acquisition and 4 years ago they changed their CEO and their strategy to do what they call "connect and scale", with the aim of linking the companies they buy together, for more coherence and structure.
What is also changing is that we will have more resources, more distribution networks throughout the world, so access to markets will be easier. The objective today is to go faster and stronger thanks to the synergies we have with Trimble.
What advice would you give to a French entrepreneur who wants to get into AgTech?
What was very important for us and that I still apply today is to always think about the customer, the end user and the positive or negative impacts that our product can create. Going to Australia to visit farmers was a decision that allowed us to succeed : in the fields, we understand what goes well or not with the product, what the farmers use it for, it allowed us to have very direct feedback. This proximity is vital, if you don't know your customers you are dead.
A second point that seems important to me, which we didn't do at the beginning because we needed cash and we were going in all directions, but which we did better and better as we became more financially secure, is that we became hyper-focused : we wanted to make only one product, the cameras, and to become excellent in that. Some people decided to do cameras and nozzles, several geographical areas, several cultures... We decided to do only cameras, only in Australia and only on cereals. We refused projects that were not in this scope, because when you don't have a lot of resources, to manage to have only one objective and to be really the best on this small perimeter allows you to learn a lot, to generate more resources and to grow faster. Doing one thing but doing it better than everybody else, that's really an important point that I always keep in mind.
