Le quotidien d’entrepreneur agricole, Fabien Perrot l’a choisi depuis 2018 en reprenant l’exploitation de son père à Germainville, dans l’Eure-et-Loir. En 4 ans, il a métamorphosé la ferme pour en faire une exploitation durable mais surtout pérenne financièrement et qui emploie 5 personnes à temps plein. Il nous raconte en interview son parcours entrepreneurial et donne quelques conseils pour réussir son installation.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de reprendre l’exploitation familiale il y a 4 ans ?
C’est une question avec de multiples réponses ! L’entrepreneuriat agricole m’intéressait car ça permet de faire travailler sa tête et ses mains, c’est un métier varié à la fois manuel et intellectuel, avec une alternance entre le terrain et l’administratif, l’économique.
Le fait de gérer ma propre entreprise m’attirait aussi, ça aurait pu aussi être dans un autre secteur mais j’ai choisi l’agriculture car il y a un énorme potentiel de développement sur différents aspects. On démarre de la terre mais ensuite on peut tout faire, de la transfo, du commerce, il y a plein de possibilités !
Il y a aussi des paramètres familiaux : je baigne dans l’agriculture depuis mon enfance, et rentrer dans la région m’a permis de me rapprocher de ma famille, dans une région que je connais… ce n’est pas le 1er critère mais c’est toujours un plus !
Quels changements as-tu mis en place depuis que vous avez repris la ferme ?
Le premier changement c’est de convertir cette ferme de grandes cultures en conventionnel, sans irrigation et sans élevage - un modèle assez classique dans la région - en ferme polyculture élevage en agriculture bio. Donc en termes de changements il y en a eu pas mal : le passage au bio, la mise en place de l’irrigation principalement pour diversifier l’assolement notamment en légumes de plein champ, la mise en place de l’élevage d’angus et un petit cheptel ovin, la plantation de haies, le lancement de la vente directe et la commercialisation en circuits courts aux locaux et aux magasins proches de la ferme type Biocop… Voilà les projets qu’on a menés sur la ferme pour l’instant depuis 2018, et d’autres vont suivre ! Ils bousculeront un peu moins le système de culture, mais on va aller un peu plus loin dans la commercialisation, on va essayer de conditionner les légumes, de diversifier un peu plus l’assolement et surtout continuer ce qui a été mis en place et stabiliser le système pour avoir l’opportunité de lancer de nouvelles idées.
Qu’est-ce qui fait la réussite de ton modèle économique aujourd’hui ?
La réussite de mon projet agricole elle vient selon moi de la diversification : ça permet d’avoir une assurance sur les revenus, si quelque chose marche moins bien ça peut être compensé par ce qui marche mieux selon les années. On le voit particulièrement bien dans les climats incertains qu’on est en train de vivre, avec les différentes crises c’est pas mal d’avoir des productions différentes pour pouvoir palier l’incertitude climatique et au niveau de débouchés avoir différents clients : les magasins spécialisés, les restaurants, les riverains avec la vente à la ferme, la GMS…
Quel conseil donnerais-tu à un entrepreneur qui veut s’installer ?
Il faut avoir du temps devant soi et pas vouloir aller trop vite, prendre le temps de la planification et malgré tout ça être prêt à avoir pas mal d’imprévus. On peut préparer tout ce qu’on veut, il y a toujours des choses qui se passent pas comme sur le plan ! Et puis ne pas rester figé sur un projet donné : si je devais comparer mon projet de 2017 par rapport à ce que je fais maintenant, ça ressemble mais il y a beaucoup de choses qu’il a fallu adapter : quand il y a une opportunité il faut savoir la saisir, quand il y a une crise il faut savoir faire face, comme par exemple avec l’explosion des coûts de l’énergie qui changent la donne sur le stockage des légumes. À la base on pensait au projet de stocker des pommes de terre pour les livrer aux restaurateurs, mais là le prix de l’énergie nous fait réfléchir. Il faut bien planifier mais toujours garder une certaine adaptabilité.
Je dirais aussi qu’il faut conserver des loisirs et des activités hors de l’agriculture. Souvent les agriculteurs sont passionnés mais il faut aussi savoir sortir de son cadre de temps en temps, faire des choses hors de la ferme sinon on peut s’enfermer un peu et manquer d’analyse quand on ne prend pas le temps de souffler et avoir du recul.
Au niveau économique je dirais qu’il faut tout anticiper, c’est à dire anticiper les mauvaises passes mais aussi les périodes où ça va bien : l’écart entre deux années peut être important en agriculture, par exemple quand on combine problèmes techniques, climatiques, économiques… Ca peut vite partir dans le rouge et à l’inverse une année où tout se passe bien, où on a de la réussite, il faut aussi prévoir de pouvoir réinvestir l’argent dans l’exploitation pour développer de nouveaux projets ou améliorer l’existant. Dans tous les cas de figure, ça nécessite des qualités d’adaptation et d’anticipation, avec des marges de sécurité. De la même manière, au vu des changements climatiques l’avenir est de plus en plus incertain et c’est de plus en plus difficile de remplir les prévisionnels sur 5 ans dans le cadre d’une installation : le prix des engrais, le prix du matériel, tout a augmenté, il y a des hausses entre 5 et 15% par an selon les constructeur depuis 2 ou 3 ans et ça ne va pas s’arrêter. C’est difficile d’anticiper et il faut être vigilant au risque quel qu’il soit : éviter les mauvais résultats mais quand on en a des bons il faut faire en sorte qu’il y ait une marge de manoeuvre pour les années suivantes et pérenniser l’exploitation.