Docteur en philosophie, chercheur associée et diplômée de l’École Normale Supérieure, Gabrielle Halpern étudie l'hybridation. Elle décrypte pour nous signaux faibles et mariages improbables dans le monde agricole.
Docteur en philosophie, chercheur associée et diplômée de l’École Normale Supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein de différents cabinets ministériels, avant de participer au développement de startups et de conseiller des entreprises et des institutions publiques. Ses travaux de recherche portent sur l’hybridation et elle est l’auteur de « Tous centaures ! Éloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020 ». Elle décrypte pour nous signaux faibles et mariages improbables dans le monde agricole.
Hybridation… mais de quoi parle-t-on ?
Nous assistons à un phénomène d’hybridation de notre monde qui touche de nombreux domaines de notre vie. Est hybride, ce qui est mélangé, hétéroclite, contradictoire, c’est tout ce qui n’entre pas dans nos cases, c’est le fruit de mariages improbables. Tout s’hybride : objets, métiers, lieux, services, secteurs, matériaux, ou encore modes de consommation et de commercialisation.
NIMA, entrepreneurs agricoles, start-ups, … de nouveaux mots pour une nouvelle réalité dans le monde agricole ?
Nous assistons effectivement à un renouvellement du champ lexical agricole : il ne s’agit plus d’être un chef d’exploitation, mais un chef d’entreprise. Il ne s’agit plus « d’exploiter », mais de construire un nouveau pacte avec la Nature. De la même manière, on voit apparaître la terminologie « métiers du vivant » qui englobe des métiers de l’agriculture, de la pêche, de l’agroalimentaire, des paysages et de la forêt. L’arrivée de plus en plus prégnante des NIMA (non issu du monde agricole), la prise de conscience écologique, la transition numérique ou encore le besoin de diversifier les recettes transforment l’agriculture, ainsi que ses métiers, ses modèles économiques et organisationnels. Comme la langue est vivante, elle suit et exprime, elle aussi, cette tendance à l’hybridation.
Votre regard sur l’évolution actuelle du monde agricole vous conduit à parler d’un « Nouveau contrat naturel » permettant de réconcilier l’humain et la nature. Quelles en sont les traces ?
De la même manière que les philosophes parlaient il y a quelques siècles de « contrat social », nous pourrions parler aujourd’hui d’un nouveau « contrat naturel » entre l’homme, l’animal et la terre. La culture, l’élevage, les vies professionnelle et privée, évoluent en effet vers un autre rapport au vivant. Cette philosophie se manifeste par une attention accrue aux rythmes biologiques de chacun (terre, animal, humain), par une volonté d’aller vers un meilleur épanouissement. Par exemple, la mise en œuvre d’un pâturage tournant dynamique allie un meilleur soin de la terre et des animaux. Cet exemple illustre bien la recherche de synergies entre le respect de la terre, celui de l’animal et celui de l’homme. Les contradictions ont été dépassées dans l’invention d’une tierce méthode de travail.
Et demain … agriculteurs hybridés jusqu’à quel point ?
Sous l’effet de cette tendance à l’hybridation, demain, les fermes seront ouvertes, transformées en tiers-lieu, mêlant co-working, formation, art ou encore restauration. Les activités économiques hybridées pourront aller jusqu’au compostage des déchets ou à la production d’énergie pour le territoire. Ancrés dans la Cité et engagés, le rôle sociétal des travailleurs du monde agricole deviendra stratégique dans le développement territorial, du fait des nouveaux liens créés avec les décideurs publics, les entreprises, les écoles ou encore les associations. L’hybridation est une chance pour l’agriculture !
Pour en savoir plus : www.gabriellehalpern.com