En 5 ans, la startup Javelot est devenue la référence en matière de surveillance digitale des stockages de céréales. Un sujet sensible qui touche à la fois aux risques sanitaires mais aussi économiques que doivent gérer les organismes stockeurs. Félix Bonduelle, parrain de la saison 4 de l’accélérateur Hectar et co-fondateur de Javelot, nous raconte cette aventure entrepreneuriale.
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Quel est votre parcours ?
J’ai 30 ans, je suis ingénieur en agriculture de formation, j’ai été diplômé en 2016. À la fin de mes études j’ai intégré les équipes de la Fournée Dorée, une entreprise qui fait des brioches où je suis resté 3 ans, tout d’abord en tant qu’apprenti puis comme responsable du food service. J’y ai créé l’offre de distribution de leurs produits dans le secteur de la boulangerie, de l’hôtellerie restauration et auprès des industriels. Et en 2017, j’ai co-créé Javelot avec mon associé Vindicien Delcourt !
Présentez-nous Javelot
Javelot c’est une startup agritech où on apporte des solutions aux acteurs de l’après-récolte. Historiquement on s’est vraiment concentrés sur le stockage de matières premières agricoles, qui comporte un certain nombre de risques : conservation des grains (moisissure, germination…), développement d’insectes… Notre métier c’est de proposer une plate-forme de supervision des conditions de stockage, couplée à des objets connectés, aux coopératives, négoces et agriculteurs afin de les aider à la bonne conservation des grains, notamment avec des outils de suivi de la température, qui vont nous permettre de contrôler le développement d’insectes : plus le grain est froid, moins les insectes vont s’y développer. Ça nous permet d’éviter les pertes mais aussi l’utilisation d'insecticides de stockage. Javelot a maintenant 5 ans, une quarantaine de salariés et surveille un peu plus de 7 millions de tonnes de grains, pour l’instant en France mais nous sommes en train de préparer notre développement européen.
Dans l'imaginaire collectif, on n’imagine pas le stockage être la problématique d'un agriculteur, on sait qu'il cultive, qu'il récolte et... c'est tout. Quels sont les enjeux du stockage en agriculture (freins, opportunités...) ?
Le stockage, c’est un secteur qui est “derrière le réverbère”. Aujourd’hui les agriculteurs sont des producteurs mais peu sont formés ou intéressés par le sujet du stockage : il nous est arrivé de croiser des agriculteurs qui stockaient leur production comme ils stockeraient du sable ou du gravier. C’est finalement 100% de leur chiffre d'affaires ou de leurs capitaux qui sont stockés dans un silo ou une ancienne étable, ce qui représente des risques majeurs à la fois sanitaires et financiers. C'est d'autant plus inquiétant qu'il y a peu d'assurances qui prennent en charge le stockage. C’est assez symptomatique de la méconnaissance des risques liés à ce secteur, contrairement à celui du fourrage par exemple, qui amène la problématique du feu.
Ainsi, nous avons dû faire énormément de pédagogie au départ, expliquer pourquoi c’était important d’utiliser un outil pour bien conserver les grains.
Pour les coopératives, l’idée de sécuriser le stockage était plus évidente, mais nous avons fait avec eux un gros travail sur le modèle économique, car ils aiment être propriétaires de leurs solutions. Commercialiser une solution Saas n’allait pas de soi.
Comment avez-vous eu l'idée de Javelot ?
Mon associé Vindicien Delcourt est agriculteur, il a longtemps été stockeur, et est administrateur de coopératives et de négoces. Il connaît toute la filière, tous les enjeux, il est en mesure d’anticiper les évolutions. À l’origine, quand il a pensé Javelot, il voulait proposer aux agriculteurs-stockeurs une solution, parce que le stockage à la ferme se développait et qu’il n’y avait ni formation ni outils pour le gérer. C’est dans un second temps qu’on s’est intéressés aux coopératives et négoces, mais à l’origine, accompagner les agriculteurs stockeurs était vraiment la raison d’être de Javelot.
Ensuite nousbsommes allés voir les coopératives et négoces dans une optique de distribution, pour nous aider à commercialiser notre solution auprès des agriculteurs, et c’est à ce moment qu’ils nous ont dit qu’ils avaient aussi des problématiques dans leurs silos et que ça les intéressait de travailler avec nous.
Comment avez-vous développé votre startup ?
On vient d’un startup studio, c’est un modèle un peu particulier qui a été une véritable force au début, et qui nous a permis d’avoir rapidement une forme d’assise. Bien sûr on a eu l’étape “fabrication garage” car au début nous étions tout petits dans le startup studio, mais très vite on a pu avoir une crédibilité qui nous a permis d’être sereins et de rassurer nos premiers clients.
On a eu de la chance de trouver des clients dès le début, et on s’est attachés à ça : notre priorité n°1 c’était de trouver des acheteurs. Nous avons eu nos premiers clients avant même d’avoir finalisé les premiers outils à leur vendre. Bien sûr, nous avons été capables de délivrer, mais on a d’abord commercialisé avec des prototypes. Nous nous étions engagés à livrer avant l’été et on a tenu notre promesse. Au final on a presque fait du financement participatif, et avec l’adhésion des clients dès le départ on a pu franchir toutes les étapes petit à petit. C’était un risque à prendre mais ça nous a permis de démarrer.
Pour se développer on s’est appuyé sur des compétences qu’on n’avait pas forcément. Au début on a été un peu frileux sur les profils qu’on recrutait, et au final embaucher des talents très compétents c’est ça qui fait la réussite de Javelot aujourd’hui. On a autour de nous une équipe extrêmement compétente avec beaucoup de valeurs, et c’est ça qui fait de Javelot une entreprise performante.
Quelles ont été les difficultés et opportunités depuis sa création ?
Au début la principale difficulté c’est la crédibilité. On a créé un outil central dans le process des coopératives et négoces donc il fallait qu’on soit capables de les rassurer sur qui on était, sur la pérennité de l’entreprise. Des opportunités il y en a eu énormément, je ne pourrais pas en citer une en particulier mais c’est surtout lié aux clients qui ont cru en notre modèle et qui nous ont dit “go on y va”.
Vous êtes parrain de la promo 4 de l'accélérateur Hectar, quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance ?
Le principal conseil c’est d’oser vendre dès le départ. Ça a vraiment été notre force et quoi qu’il arrive il faut trouver le market fit. C’est ce qu’il y a de plus difficile et je le vois autour de moi dans les startups que je fréquente. Il y a des idées très intéressantes mais qui ne trouvent pas leur marché. S’il y a une chose qu’on fait bien chez Javelot c’est vendre, et au-delà de vendre c’est d’avoir une belle relation avec nos consommateurs. On n’a pas beaucoup de clients, on travaille surtout avec des grands comptes, on les connait très bien, on connait leurs besoins et notre objectif est d’y répondre. Je pense que c’est souvent ce qui ne fonctionne pas très bien dans les startups que je rencontre, c’est un problème de market fit. Les entrepreneurs vont vendre des technologies et des solutions canons mais qui ne répondent pas à un besoin.
Il faut aussi oser aller vendre rapidement même si le produit n’est pas totalement abouti. Il nous arrive d’aller tester auprès de nos clients des produits qui sont encore en R&D pour voir s’il y a une appétence ou pas sur le projet, tout en les prévenant qu’ils seront beta-testeurs et qu’on n’a pas de garanties sur le fait que ça fonctionne de manière optimale. Par contre on s’engage à leur faire un service très premium, et nos clients nous font confiance là-dessus.
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