L’agriculture est un maillon essentiel vers la neutralité carbone. L’objectif est fixé pour 2050, il est même inscrit dans la loi, et l'agriculture peut y contribuer de manière décisive. Décryptage avec quatre acteurs de la filière avant l’ouverture du Salon de l’Agriculture (26 février-6 mars).
Audrey Bourolleau - Fondatrice d’Hectar
Du champ à l’assiette
« Atteindre la neutralité carbone passera nécessairement par la construction de nouveaux modèles économiques tout au long de la chaîne : c’est la conviction que nous portons chez Hectar. » Le maillon le plus impacté par cette transition est celui de l’amont, les fermes. Or la vente de crédits carbone ne couvrira pas les coûts de transition vers des pratiques régénératrices, c’est ce que nous avons clairement modélisé. C’est un des leviers mais pas le seul. Et puisque ça ne suffira pas, il faut que l’agriculteur valorise aussi ses produits parce qu’ils sont régénératifs, qu’ils ont pris soin des sols, qu’ils ont donc une valeur marchande ou qu’il puisse créer de la valeur par d’autre leviers complémentaires : énergies vertes, transformation.
Quentin Sannié - Fondateur et président de Genesis
Une contribution globale à l’environnement
« L’agriculture, activité polluante, fait partie de la solution vers la neutralité carbone. À travers le changement nécessaire des pratiques, elle peut devenir un levier puissant d’amélioration de l’empreinte carbone. D’autres aspects fondamentaux doivent être pris en compte pour que le crédit carbone se développe : la biodiversité, la ressource en eau… L’agriculture doit se voir comme une contributrice globale à l’environnement parce qu’elle peut l’être, au service de la neutralité environnementale dans son ensemble. Dans notre activité de notation de l’état de santé des sols chez Genesis, notre objectif est de fournir une mesure de l’effet des pratiques agricoles : un sol a la mémoire des pratiques, avec un impact sur le carbone, la biodiversité et la pollution. »
Matthieu Archambeaud - Agronome, président d’Icosystème
Redévelopper la fertilité organique
« L’activité agricole, avec l’activité forestière, est la seule capable de stocker de grandes quantités de carbone. Cette évidence posée, l’état organique des sols s’est dégradé après des décennies de révolution verte. Il s’agit de redévelopper une fertilité organique pour contribuer à la neutralité carbone. Redresser la situation prendra du temps : il faut entre 10 et 15 ans pour regagner par des systèmes vertueux le stockage de 20 tonnes de carbone dans les sols. Chez Icosystème, nous aidons les agriculteurs dans leur transition agro-écologique mais aussi les acteurs de l’agro-alimentaire : coopératives, négoces, industriels. Parce que l’agriculteur ne peut pas changer si toute la chaîne de valeur n’intègre pas la transformation nécessaire des systèmes agricoles. »
Chuck de Liedekerke - Co-fondateur et CEO, Soil Capital
Accompagner les agriculteurs
« Il y a trois sujets à envisager. D’abord, la rémunération carbone va augmenter pour refléter sa valeur réelle. Les filières, ensuite, vont voir l’opportunité d’amener sur le marché des produits bas carbone, neutres ou négatifs, et de payer, en plus du certificat carbone, une prime à la culture. Enfin, nous constatons que les agriculteurs qui stockent du carbone ne perdent pas nécessairement en productivité et baissent leurs coûts de production, bien sûr à condition de conduire une stratégie de transition intelligente qui offre des opportunités agronomiques. Chez Soil Capital, nous accompagnons les agriculteurs dans la régénération du plus grand nombre d’hectares possible à partir de solutions technologiques, afin d’en être rémunérés mais aussi de comprendre les leviers de changement des pratiques. »